LE MOT DE L'ANCIEN DIRECTEUR GENERAL DE L'INSPECTION GENERALE DES FINANCES ; JUDE A. PATRICK SALOMON

Je suis particulièrement fier et honoré d’avoir été invité par l’IGF pour écrire quelques mots dans le document consacré au parcours de l’institution pendant dix (10) ans. Pas pour les raisons qui peuvent venir à l’esprit rapidement, en l’occurrence le fait que je fus celui qui a mis en place cette institution et devins son premier Directeur Général. Mais, parce que je suis bien placé pour comprendre et partager l’utilité du contrôle de la gouvernance et des opérations en vue d’une marche assurée et résolue de l’appareil de l’État au profit des citoyens.
Cette précision ne m’exonère pas de la nécessité de revenir un peu sur l’idée qui présida à la mise en place de l’IGF et de son indispensable expansion dans la sphère publique. En effet, le besoin pour l’Exécutif de disposer d’un organe qui puisse contrôler l’action de ses différents responsables fut le point de départ de cette initiative, car la seule instance qui, à l’époque pouvait le faire, la CSC/CA, se situe à l’extérieur du champ de l’Administration d’État et ne pouvait constituer l’alternative à cette préoccupation. En deuxième lieu, il fallait accompagner les décisions des responsables avec des propositions émanant d’études réalisées suivant des critères universellement admis, d’évaluations menées en toute indépendance et avec toute la rigueur qui sied au métier d’évaluation des actions publiques. En dernier lieu, il était indispensable que la prédication de conseils ne se résume pas en un concentré théorique ou d’expériences parfois en déphasage avec des réalités dynamiques des administrations ; il devenait nécessaire de disposer de conseils de première main, provenant de professionnels en contact avec les éléments dans toutes les sphères de la vie publique. L’IGF était donc devenue l’organe pouvant concentrer l’ensemble de ces attentes et fonctionner avec une grande agilité et des délais souvent inexistants.
Ceci étant dit, le contrôle ne peut se concevoir uniquement dans sa dimension de censeur. Il est vrai que la sanction représente dans tout système social un élément dissuasif, mais elle ne saurait, en aucun cas, constituer la panacée surtout dans l’environnement haïtien peu habitué aux rigueurs des règles établies. Mais, le métier de l’IGF se révèle beaucoup plus large et englobe des aspects qui échappent souvent aux professionnels du contrôle tels que l’évaluation et le conseil, car ces deux truchements représentent les principaux instruments de l’IGF pour être efficace dans l’accompagnement des responsables en vue de leur prise de décision.
Conséquemment, l’IGF a vocation à aller au-delà du périmètre de ses interventions, car elle devait constituer le poste avancé d’une stratégie plus globale tendant à mettre le contrôle au centre de la gouvernance publique et au cœur des préoccupations des responsables. De la formalisation des dispositifs de contrôle interne à mettre en place dans les institutions à la professionnalisation du métier de contrôle, au changement de perception vis-à-vis du contrôle et à l’institution de structures d’audit interne dans les entités, cette approche vise la refondation de l’organisation interne des institutions ainsi que le renforcement de la culture de reddition de comptes et de prise en considération des recommandations contenues dans les rapports.
Aussi, l’avènement de ces dix ans ne doit pas constituer uniquement un moment figé de commémoration avec des souvenirs dans les esprits et sur papier glacé, mais doit contribuer à conforter la mue que l’IGF a entamée depuis trois (3) ans et qui représente le chemin que devraient emprunter les institutions en proie à certains doutes, aux prises avec des dynamiques organisationnelles qui auraient tendance à les échapper et qui décident de regarder l’avenir de l’institution en face afin de prendre les mesures qui s’imposent. Je ne peux que conseiller à l’IGF de garder le cap et de contribuer à rendre l’action de l’État plus efficace, plus humaine et en accord avec les principes cardinaux qui devraient guider la gouvernance publique.